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 DIDIER FASSIN
La Vie
Mode d'emploi critique

"Sorte d’hommage à Georges Perec, qui affirmait que "vivre, c’est passer d’un espace à un autre en essayant le plus possible de ne pas se cogner""


« Considérée isolément une pièce d’un puzzle ne veut rien dire ; elle est seulement question impossible, défi opaque ; mais à peine a-t-on réussi à la connecter à l’une de ses voisines que la pièce disparaît, cesse d’exister en tant que pièce […] : les deux pièces miraculeusement réunies n’en font plus qu’une, à son tour source d’erreur, d’hésitation et d’attente. Georges Perec, La Vie mode d’emploi »

 «Ce livre aurait d’ailleurs pu s’intituler, plus explicitement peut-être : De l’inégalité des vies. Si donc toute l’œuvre de Georges Perec est hantée par une absence – celle de ses parents, morts durant la Seconde Guerre mondiale – je crois que ma recherche est tout entière traversée par une conscience – celle des vies inégales. D’où l’ajout de l’adjectif critique pour qualifier mon mode d’emploi de la vie.

 


 "La vie forme une surface qui se donne l’air d’être obligée d’être ce qu’elle est, mais sous cette peau, les choses poussent et pressent." Robert Musil, L’Homme sans qualités

" la forme de vie nomadique contrainte est celle de dizaines de millions d’individus sur les cinq continents, qu’on les considère comme étrangers en situation irrégulière ou demandeurs d’asile, migrants économiques ou réfugiés, dont la très grande majorité se trouve en Afrique, en Asie et au Moyen Orient, et non dans les pays occidentaux comme on tend à le faire accroire. Guatémaltèques aux États-Unis, Boliviens en Argentine, Afghans en Australie, Rohingyas en Birmanie, Somaliens en Égypte, Soudanais au Kenya, Syriens en Turquie, Palestiniens au Liban, Roms à travers toute l’Europe, pour n’en citer que quelques exemples, ils sont, au sens littéral, innombrables. Si l’on se restreint aux seules personnes « déplacées du fait de persécutions, conflits, violences généralisées ou violations des droits de l’homme », dans le langage du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, leur nombre atteignait 70 millions en 2016 – en incluant les 5 millions de réfugiés palestiniens qui relèvent d’une institution distincte –, dont un tiers environ se trouvait hors de leur pays. Une statistique qui n’intègre cependant pas les déplacés qui le sont à cause de la pauvreté, des catastrophes et des désordres climatiques. Ces personnes dont l’existence est menacée dans leur pays ne sont généralement pas les bienvenues dans les nations où elles ont trouvé refuge. Elles doivent ainsi faire face aux contradictions de politiques qui oscillent entre rejet et protection, entre répression brutale et simple indifférence, entre détention illimitée et assistance humanitaire, entre refus de régularisation et affirmation de droits. Elles recherchaient la sécurité et elles se retrouvent sur des terrains vagues ou dans des bâtiments abandonnés lorsque ce n’est pas en prison ou dans des camps. Souvent, pourtant, elles considèrent leur nouvelle condition un peu moins désespérée que ne l’était celle qu’elles ont connue dans leur pays.

Parler de la forme de vie de ces hommes, ces femmes et de ces enfants dépossédés de leur pays d’origine et indésirables dans leur pays d’accueil, c’est rendre compte d’expériences humaines partagées autant que de contextes culturels particuliers, d’exposition à des périls physiques autant que de mise en danger par des mesures sociales, d’incertitudes juridiques autant que d’aménagements pragmatiques. Mais l’ensemble des contraintes qu’impliquent ces formes de vie n’en épuisent pas la réalité. Comme le suggère la formule de Robert Musil citée en exergue, sous la surface de ce qui paraît irrémédiablement s’imposer aux individus s’expriment des attentes et des désirs, se manifestent des singularités et des volontés. Sous la forme, la vie demeure.
Il faut pourtant aller plus loin. La forme de vie des nomades forcés ne décrit pas seulement la condition de ces personnes. Elle reflète aussi un état du monde. Elle résulte en effet des impasses dans lesquelles se trouvent les démocraties contemporaines, incapables de se hisser à la hauteur des principes qui fondent leur existence même. La conjonction de déplacements impressionnants de populations fuyant les conflits, les désastres et la misère, et de réactions non moins notables d’animosité, encouragées par des rhétoriques populistes, est assurément une marque de ce temps.

Il faut pourtant se garder de tout présentisme. Depuis le début du XXe siècle, l’Europe – pour circonscrire le champ de l’analyse – a été confrontée à plusieurs périodes d’intenses mouvements démographiques souvent suivis de réponses xénophobes : dans les années 1920, après la révolution russe et la Première Guerre mondiale, conduisant à la création du Bureau international des réfugiés ; à la fin des années 1940, après le second conflit mondial, aboutissant à la signature de la Convention de Genève sur les réfugiés. Le parallèle entre ces moments tragiques et la période présente est trop aisément éludé.


Sur le concept d’histoire », Walter Benjamin avait écrit : « S’effarer que les événements que nous vivons soient “encore” possibles au XXe siècle, c’est marquer un étonnement qui n’a rien de philosophique. Un tel étonnement ne mène à aucune connaissance, si ce n’est à comprendre que la conception de l’histoire d’où il découle n’est pas tenable. » Poursuivant sa réflexion visionnaire, Benjamin donnait son interprétation du fameux dessin de Paul Klee « Angelus Novus », dont il avait fait l’acquisition. Il imaginait qu’il représentait l’« Ange de l’Histoire », dont le « visage est tourné vers le passé », où la « chaîne des événements » lui apparaît comme « une seule et unique catastrophe, qui sans cesse amoncelle ruines sur ruines ». Il est remarquable que certains des « événements » dont il faisait l’expérience soient « encore possibles » au début du XXIe siècle, condamnant son « Ange de l’Histoire » à contempler, encore et toujours, les mêmes formes de vie que ces événements produisent.


 "Il ne s’agit pas d’isoler les vies des exilés, des opprimés, des exploités, des humiliés et offensés, au risque d’en proposer une lecture misérabiliste, mais de les insérer dans des rapports sociaux dont l’iniquité fondamentale réside précisément dans une hiérarchie des vies implicitement établie ou explicitement admise : c’est cette hiérarchie qui permet de les inférioriser, de les stigmatiser et de les brutaliser tandis qu’on en favorise d’autres. Et il ne s’agit pas non plus de considérer les traits génériques des sociétés contemporaines, souvent pour en dénoncer l’individualisme, le consumérisme, le tournant punitif, la généralisation de la surveillance et l’empire du spectacle, en sous-estimant les disparités qui se manifestent dans ces tendances sociologiques et l’incidence différentielle qu’elles ont sur la vie des personnes : or c’est précisément cette distribution inégale des conséquences qui permet la production et la reproduction de ces traits génériques. Pour paraphraser Pierre Bourdieu, les vies ne se caractérisent pas seulement par leur « condition » : elles doivent aussi être appréhendées en termes de « position » . La vie des « sans », qu’ils soient sans papiers, sans domicile, sans citoyenneté, sans territoire, sans droits, ne peut se comprendre qu’en relation à la vie des « avec », si l’on ose dire, à savoir ceux qui bénéficient de ces éléments généralement tenus pour allant de soi, cette relation étant médiée par l’ensemble des institutions qui contribuent à légitimer et maintenir ces disparités. On ne peut pas plus se contenter d’un regard vers le bas de l’échelle sociale qu’on ne peut se satisfaire d’une approche homogénéisante de la société. Considérer la vie dans la perspective de l’inégalité offre ainsi une nouvelle intelligibilité du monde social mais également de nouvelles potentialités d’intervention. "

"Dans un temps où les disparités s’accroissent, où les discours d’exclusion et les pratiques de discrimination se banalisent, où la disqualification d’individus et de groupes en raison de leur milieu social, de leur couleur, de leur confession, de leur origine ou de leur sexe s’exprime ouvertement, et où, de surcroît, le mensonge et l’illusion s’imposent comme des instruments majeurs de conquête du pouvoir et de modes de gouvernement, la critique n’a pas à choisir entre combativité et lucidité, entre contestation des idéologies trompeuses et contestation des fausses évidences. Donner à voir et à comprendre ce que signifie et ce qu’implique l’inégalité de traitement des vies humaines relève à la fois de l’engagement intellectuel et de l’engagement politique dont peut, modestement, se prévaloir le travail critique. "

 

JEAN-PIERRE FAYE

JEAN-PIERRE FAYE
Le piège
La philosophie heideggerienne et le nazisme

"l'histoire comme chute, l'histoire toute entière comme déclin et ruine...cette vieillerie, remise en marche par les soins du paraphilosophe de la forêt noire, a gardé son venin pour notre avenir. Nous avons vu récemment l'un de ses fidèles affirmer les mêmes propos qu'un mouvement politique contemporain tout particulièrement vénéneux : que totalitarisme et droits de l'homme seraient des équivalents "contaminés" l'un par l'autre, "complices" l'un de l'autre. Et pourquoi donc? Parce qu'ils procèderaient de la même "origine" - "du geste métaphysique"*
*De l'esprit. J Derrida


JEAN-PIERRE FAYE
La philosophie désormais

"Une question se donne deux fois à penser :
Comment les fréquences vibratoires se transforment-elles en couleurs et interfaces, optiques et tactiles : en figures d'univers?
Comment les trames narratives se changent-elles en "idées" , en figures conceptuelles ?
-celles-ci donnant à leur tour des prises d'univers à un niveau chaque fois plus opérant.
Deux fois la puissance des transformants apporte à cette donne, aisi redoublée, qui se confirme et se renforce elle-même. Par laquelle le chaos vibratoire est préparé en paysage vu et en paysage déchiffré."


JEAN-PIERRE FAYE
Le livre du vrai

"...sur les lions noyés du désert
et sur le lit du fleuve
le retour du feuillage enfin
-jaillit de l'arbre comme
une femme criant la tête en flammes
dans la déchirure du ciel
-et j'entends bruire l'approche des branches
dans la douceur redoutable et tolérante."


JEAN-PIERRE FAYE
Nietzsche et Salomé
La philosophie dangereuse

"Nous proposerons de prendre Nietzsche au mot, et même mot à mot. Pour tenter de suivre quels mouvements oscillatoires et perspectifs se jouent de mot en mot ou plutôt, de fragment en fragment, de séquence en séquence, de modalité narrative en retournement conceptuel, et de concept en parabole récitative. Faire l'essai de suivre ce récitatif fragmentaire dans son investigation, son voyage dans les renversements de vue. Chaque fragment, peut-être, est un vers : "Ce mot total, neuf, étranger à la langue." Et c'est par son enjambement qu'il se fait actif, agissant, énergie et action. C'est à ce point de déflagration dans les quanta d'action, recelés au langage, qu'il faut surprendre cette pensée toujours mobile."

GENEVIEVE FRAISSE

La page Geneviève Fraisse sur ce site


 

JEAN-BAPTISTE FRESSOZ
Sans transition

Une nouvelle histoire de l'énergie

"L’impératif climatique ne commande pas une nouvelle transition énergétique, mais oblige à opérer, volontairement, une énorme autoamputation énergétique : se défaire en quatre décennies de la part de l’énergie mondiale – plus des trois quarts – issue des fossiles. "

"Au lieu de musarder en rêvant d’avion à hydrogène, de « troisième révolution industrielle » ou de fusion nucléaire, il faut fonder la politique climatique sur des techniques disponibles et bon marché – anciennes ou récentes, peu importe. Il faut en même temps s'interroger sur la pertinence de leurs usages et sur la répartition juste et efficace des émissions de CO2."

" Toute discussion sérieuse sur le changement climatique devrait partir du constat, quelque peu inquiétant, que les innovations technologiques n’ont, jusqu’à présent, jamais fait disparaître un flux de consommation matérielle. "

"L’industrie de l’emballage est un composant essentiel de l’économie mondiale et son chiffre d’affaires est estimé à un trillion de dollars en 2020, deux fois plus que l’aéronautique ou les téléphones portables. Là encore, le nouveau, en l’occurrence le plastique, s’est ajouté aux matières anciennes dont les flux perdurent et s’accroissent. Malgré les 4,9 milliards de tonnes de plastique qui se sont accumulées dans la biosphère depuis les années 1960, le bois reste la principale matière d’emballage. En poids, les Européens et les Américains jettent trois fois plus d’emballages en carton qu’en plastique. Les cartons éventrés règnent sur nos poubelles. Plutôt que de s’y substituer, le plastique s’est allié au carton auquel il confère étanchéité et résistance aux chocs."

"Avec plus de 200 millions de tonnes, l’emballage absorbe la moitié de la production mondiale de papier et de carton et consomme environ 8 % du bois abattu dans le monde."


"La cartonisation évoquée au chapitre précédent a pour corrélat l’extraordinaire expansion des plantations industrielles d’abord dans la péninsule Ibérique puis en Amérique latine – Brésil, Argentine et Chili principalement –, et enfin en Chine dans les années 1990. Ces plantations représentent un tournant majeur dans l’histoire du bois : la sylviculture devient une branche de l’agriculture intensive et on parle d’ailleurs de « fiber farms » pour les désigner. Des clones, parfois génétiquement modifiés, sont cultivés densément et selon des rotations rapides (quatre à sept ans), ce qui implique des apports d’engrais qui s’approchent de ceux de la céréaliculture des pays riches. Après la coupe, les parcelles sont nettoyées à l’herbicide avant d’être replantées, ce qui permet de recevoir les certifications internationales de durabilité. En termes de rendement, les effets du pétrole et de la chimie sur le bois sont spectaculaires. "

"Le paradoxe est que la sylviculture industrielle entretient l’idée du bois comme ressource renouvelable en ancrant toujours plus profondément sa production dans des pratiques agricoles et des matières (pétrole, gaz naturel et phosphore) non renouvelables."

"Il faut s’y résoudre : il n’y a jamais eu de transition énergétique hors du bois. Ni au XIXe, ni au XXe siècle, ni dans les pays pauvres, ni dans les pays riches. Le symbole parfait de cette non-transition se situe au cœur de la région qui est pourtant censée en être le berceau : entre Leeds et Sheffield, au milieu du bocage anglais, se dressent les sept tours de refroidissement de la centrale de Drax. À son inauguration en 1974, cette centrale électrique était destinée à brûler le charbon des mines du Yorkshire. Dans les années 1990, après sa privatisation, Drax importe son combustible d’Australie, de Russie et d’Afrique du Sud, 9 millions de tonnes par an au total, ce qui en faisait une des plus grandes centrales thermiques au monde. Au milieu des années 2000, avec l’aide de généreuses subventions et sous couvert de changement climatique, la centrale est progressivement convertie à la « biomasse » : un euphémisme pour désigner du bois qu’elle importe sous forme de granules (pellets) des États-Unis et du Canada principalement. Drax prétend produire une électricité sans carbone, ce qui est doublement faux : d’une part elle contribue à la dégradation des forêts, de l’autre son fonctionnement dépend de bout en bout du pétrole, celui qui alimente les machines forestières, les camions, les broyeurs et les navires qui traversent l’Atlantique. En 2021 Drax a brûlé plus de 8 millions de tonnes de granules de bois, c’est davantage que la production forestière du Royaume-Uni, pour satisfaire environ 1,5 % des besoins énergétiques du pays. C’est aussi quatre fois plus de bois que ce que brûlait l’Angleterre au milieu du XVIIIe siècle : un beau résultat après deux cents ans de transitions énergétiques."

" Les technologies de la « transition » n’échappent pas aux effets rebond et peuvent entraîner la croissance d’autres secteurs plus carbonés. Par exemple, en 2023, le plus grand parc éolien flottant au monde a été inauguré en mer de Norvège : il appartient à Equinor – anciennement Statoil – qui s’en sert pour alimenter des plateformes pétrolières. De même, au Qatar, Total Energies investit dans une immense centrale photovoltaïque afin de « verdir » l’extraction de gaz."

"En augmentant la complexité matérielle des objets, le progrès technologique renforce la nature symbiotique de l’économie. Il permet certes d’accroître l’efficacité énergétique, mais il rend aussi le recyclage difficile si ce n’est impossible. Au cours du temps, le monde matériel est devenu une matrice de plus en plus vaste et complexe enchevêtrant une plus grande variété de matières, chacune consommée en plus grande quantité. Ces quelques constats historiques ne dérivent pas d’une loi irréfragable de la thermodynamique : ils permettent seulement de saisir l’énormité du défi à relever – ou l’ampleur du désastre à venir."

"La transition est l’idéologie du capital au XXIe siècle. Grâce à elle, le mal devient le remède, les industries polluantes, des industries vertes en devenir, et l’innovation, notre bouée de sauvetage. Grâce à la transition, le capital se retrouve du bon côté de la lutte climatique. Grâce à la transition, on parle de trajectoires à 2100, de voitures électriques et d’avions à hydrogène plutôt que de niveau de consommation matérielle et de répartition. Des solutions très complexes dans le futur empêchent de faire des choses simples maintenant. La puissance de séduction de la transition est immense : nous avons tous besoin de basculements futurs pour justifier la procrastination présente."

"L’histoire de la transition et le sentiment troublant de déjà-vu qu’elle engendre doivent nous mettre en garde : il ne faudrait pas que les promesses technologiques d’abondance matérielle sans carbone se répètent encore et encore, et que, après avoir franchi le cap des 2 °C dans la seconde moitié de ce siècle, elles nous accompagnent tout aussi sûrement vers des périls plus importants."

MICHEL FOUCAULT
L'herméneutique du sujet

Premièrement, dans cette ascèse philosophique, dans cette ascèse de la pratique de soi, l'objectif final, l'objectif ultime n'est évidemment pas la renonciation à soi. L'objectif, c'est au contraire de se poser soi-même, et de la façon la plus explicite, la plus forte, la plus continue, la plus obstinée possible, comme fin de sa propre existence. Deuxièmement, il ne s'agit pas dans cette ascèse philosophique de régler l'ordre des sacrifices, des renoncements que l'on doit faire de telle ou telle partie, de tel ou tel aspect de son être. Il s'agit au contraire de se doter de quelque chose que l'on n'a pas, quelque chose que l'on ne possède pas par nature. Il s'agit de se constituer à soi-même un équipement, équipement de défense pour les ,événements possibles de la vie. Et c'est cela que les Grecs appelaient la paraskeuê. L'ascèse a pour fonction de constituer une paraskeuê [afin que] le sujet se constitue lui-même. Troisièmement, il me semble que cette ascèse philosophique, cette ascèse de la pratique de soi n'a pas pour principe la soumission de l'individu à la loi.


MICHEL FOUCAULT
Surveiller et punir

"La délinquance, avec les agents occultes qu'elle procure mais aussi avec le quadrillage généralisé qu'elle autorise, constitue un moyen de surveillance perpétuelle sur la population : un appareil qui permet de contrôler, à travers les délinquants eux-mêmes, tout le champ social."
"A cela s'ajoute une longue entreprise pour imposer à la perception qu'on a des délinquants une grille bien déterminée : les présenter comme tout proches, partout présents et partout redoutables. Le fait divers criminel, par sa redondance quotidienne dans la presse, rend acceptable l'ensemble des contrôles judiciaires et policiers qui quadrillent la société; il raconte au jour le jour une sorte de bataille intérieure contre l'ennemi sans visage."